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Cameroun

La poule pantalonnée, une alternative bio au poulet de chair

Publié le 29/12/2023 - 10:16
Des coqs Brahma de la ferme de Bilone. Photo : Viviane

La poule pantalonnée, en référence à ses pattes toutes emplumées, est une cocotte particulièrement imposante pouvant peser de 2 à 4 kg, selon les races. D’une fertilité tardive, elle peut prendre jusqu’à cinq mois avant de commencer à pondre et jusqu’à six mois avant d’être commercialisée. Destinée à la vente dans les fermes camerounaises, la poule pantalonnée, de son nom scientifique Brahma, est élevée dans un environnement naturel afin de garantir une saveur bio à la dégustation.

La poule pantalonnée est une poule d’origine chinoise qui a transité par la France, avant d’être exportée en Afrique, où elle est élevée dans des conditions naturelles et bio. Dotée d’un épais manteau de plumes duveteux, elle se distingue par ses pattes emplumées. Située à mi-chemin entre la pondeuse et la poule domestique, le Brahma est robuste et peut peser jusqu’à 4 kg, en fonction des races. Selon Jospeh Bela, ingénieur agronome et cofondateur de la start-up Agri bio consulting, la poule Brahma pond environ 120 à 170 œufs chaque année sans compléments alimentaires chimiques, contrairement à la poule pondeuse standard non bio, qui peut aller de 300 à 500 œufs par an.

Au Cameroun, l’élevage de la poule Brahma est pratiqué depuis 2010, d’abord comme poule d’ornements et, cinq ans plus tard, « les éleveurs ont commencé l’élevage à grande échelle parce que cette variété s'adapte non seulement aux conditions climatiques de nos pays par rapport à la poule de chair, mais elle offre la possibilité de manger une poule bio, c’est-à-dire élevée dans les conditions exclusivement naturelles », nous explique Joseph Bela.

À Bio Obala, projet de la grande ferme de Bilone à Obala, située à 42 km de la capitale Yaoundé, l’élevage de la poule pantalonnée représente environ 5 % des poulaillers. Ici, Marcelle Sanama est la technicienne en charge de l’élevage de cette variété introduite il y a cinq ans. Au quotidien, elle assure la veille, l’entretien et la surveillance de la race, de l’éclosion jusqu’à l’âge adulte.

Il y a cinq ans, nous raconte Marcelle, la ferme, au travers de son projet « Clever Chicken », s’est lancée dans l’élevage de la poule Brahma, après s’être équipée d’incubateurs dédiés. « À côté de ces incubateurs, nous disposons de nos propres reproducteurs, lesquels nous permettent de perpétrer la race et de garantir une production constante », renchérit-elle. Pour identifier un reproducteur chez la poule Brahma, le processus est simple et débute à la ponte. Un exercice méticuleux de tri va s’effectuer au niveau des œufs disponibles avant le calibrage. Les plus robustes, avec un poids supérieur ou égal à 45 g, seront sélectionnés pour incubation dans l’optique d’obtenir de futurs reproducteurs femelles. Lesquels seront croisés avec des mâles d’une race tout autre, afin d’éviter les questions de consanguinité.

Cette bâtisse imposante qui tient sur 250 m2a été construite en 2018 pour abriter les poulets pantalonnés. À l’intérieur, les sujets sont classés par âge sur une dizaine de cages réparties dans le poulailler. « Le cycle d’élevage de la poule pantalonnée est très long. Soit six mois, contrairement au poulet de chair, dont le cycle est de 45 jours maximum. Ce qui nécessite plusieurs niveaux de surveillance en fonction de l’âge des sujets », explique Marcelle, la technicienne, pendant qu’elle fait son premier arrêt dans l’une des cages des plus petits, c’est-à-dire des poussins âgés de 1 jour à 2 mois. « Ici, il faut surveiller l’attitude des poussins par rapport à la lumière », explique-t-elle.

La lumière dont fait cas Marcelle, ce sont des ampoules de 75 à 100 MW qui sont installées dans les caisses et servent de milieu naturel aux poussins. L’objectif est de reproduire autant que possible l’environnement domestique pour ces volailles. Plus loin, les sujets en mi-maturité (entre trois et cinq mois) et en maturité (six mois) sont logés dans les cages constituées des espaces de détente totalement herbacés et qui permettent aux pantalonnées de rechercher sa nourriture. En effet, le Brahma se nourrit de plantes locales, et qui sont produites de façon spécifique par chaque éleveur. À la ferme bio d’Obala, les plantes couramment utilisées pour la santé des pantalonnées sont constituées du gingembre pour traiter les problèmes respiratoires, de l’ail, du Vernonia amygdalena (vernonie commune, localement appelée le Ndolè), du pyrèthre, encore appelé fleur jalousie ou fleur marguerite, utilisé contre les punaises grises, des feuilles du neemier et du papayer, entre autres. « Le poulet pantalonné que nous avons ici n’a pas beaucoup de maladie. Les plus fréquentes sont la coccidiose, les maladies respiratoires ou encore le coryza, qui est une inflammation de l’encéphale. Nous trouvons très vite des solutions quand nous avons un cas de maladie », précise Marcelle. S’agissant de sa capacité de résistance aux maladies, la spécialiste relève que « le pantalonné peut résister quinze jours avec une coccidiose, avant d’être soigné ». Il en est de même pour son alimentation, laquelle est exclusivement constituée d’aliments issus du milieu naturel, tels que les insectes, les larves séchées, auxquels on peut ajouter du soja, du maïs, de l’arachide et des coquilles moulues.

Prix élevés

La poule Brahma est principalement élevée pour la qualité de sa chair et ses œufs bio. Pour acquérir une poule Brahma au Cameroun, il faut prévoir entre 5000 et 20 000 francs (7 à 30 euros), en fonction de son poids. « Les consommateurs se plaignent du coût de cette variété de poule. Mais le bio a un coût », déclare Nathalie Ovaga, responsable des ventes à la ferme Bio Obala. Pour permettre au plus grand nombre de consommer du bio, la ferme propose une alternative de vente en carcasses dont le kilogramme équivaut à 4000 francs (6 euros), soit la valeur d’une poule de chair entière. Une stratégie moins prospère mais qui permet à la ferme de commercialiser mensuellement une trentaine de poules, pour une capacité de production de 500 poules. Des chiffres qui restent bien en dessous du poulet de chair, lequel permet à la ferme de faire un chiffre d’affaires mensuel de près de 300 000 XAF (457,347 euros).

Pour Nathalie Ovaga, la poule pantalonnée reste l’espoir de la ferme sur le long terme : « Durant la pandémie de grippe aviaire entre 2006 et 2007, nous avons incinéré toutes les autres variétés de poules disponibles dans notre ferme », décrie-t-elle avec regret. Une catastrophe sanitaire qui a plus au moins épargné la Brahma. « La contamination ne se fait pas rapidement au sein de cette race, nous avons eu des cas de décès isolés, mais nous n’avons pas eu besoin d’incinérer la race comme nous l’avons fait pour les autres », se rappelle Nathalie.

Par ailleurs, la commercialisation de la Brahma reste le plus grand défi de cette espèce. Selon la Banque mondiale, le revenu mensuel brut annuel par habitant au Cameroun se situe à 900 000 FCFA (1300 euros). Malgré la revalorisation du Smig de 36 270 FCFA à 41 850 FCFA, difficile pour une famille moyenne de s’offrir un coq Brahma. Une situation inquiétante pour les éleveurs qui n’arrivent pas à écouler leurs marchandises.

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