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Coly est revenu au pays pour être aviculteur

«  C’est au Sénégal que je réussirai…  »

Publié le 08/09/2016 - 08:31
« Je n’avais pas de place ici jusqu’à ce que l’État sénégalais décide d’arrêter toutes les importations de poulets  et de matériels avicoles. » Photo : DR

Dans cette interview, ce jeune entrepreneur explique pourquoi il est revenu au pays avoir passé trois ans en Europe. Il encourage aussi ses compatriotes à investir chez eux plutôt qu’à croire à ce qui n’est parfois qu’un mirage ailleurs.

 

Papa Bakary Coly est aviculteur à Diack-Sao, à une trentaine de kilomètres de Dakar. Après avoir passé trois années en Europe, il a décidé de retourner au Sénégal lorsqu’il a appris que l’État arrêtait toute importation de produits avicoles. La réussite de ce jeune entrepreneur de 35 ans, président du Collège des jeunes du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CJ/CNCR), l’a conduit à encourager les jeunes ruraux à s’installer dans cette filière afin qu’ils restent dans leur pays.

Que vous a apporté votre expérience en Europe ?

Papa Bakary Coly : C’est au Sénégal que je réussirai dans la filière avicole, c’est ici que je dois creuser ma route : voilà ce que cet éloignement m’a apporté. 

J’ai passé deux ans en Italie et un an au Portugal. J’étais parti avec l’idée que j’aurais une vie meilleure de l’autre côté de la Méditerranée. Trois années difficiles où j’ai pris conscience que la vie imaginée en Europe était diamétralement opposée à celle que j’ai vécue. J’avais quitté le Sénégal car je n’arrivais même plus à écouler 50 poulets. C’était une époque difficile tellement le pays était inondé de poulets vendus moins chers que la production locale. 

Je n’avais pas de place ici jusqu’à ce que l’État sénégalais décide d’arrêter toutes les importations de poulets et de matériels avicoles usagés en raison de la grippe aviaire. J’ai compris qu’il y avait une opportunité à saisir.

Que répondez-vous à des jeunes qui sont tentés par l’aventure de l’immigration ?

P. B. C. : Je leur parle de mon expérience car c’est du concret. Je leur fais visiter mon exploitation et leur explique que j’ai commencé avec seulement 30 poulets. Aujourd’hui, j’ai 7 500 pondeuses qui produisent trois millions d’œufs/an, et 24 000 poulets de chair/an. Je cultive aussi des légumes (betterave, oignon, choux, aubergine douce et amère, carotte…) sur environ 2 ha. 

Ma réussite, ne s’est pas faite en un claquement de doigt. Le chemin a été long mais bénéfique puisque j’y suis arrivé. Je les dissuade de partir en leur disant que ce n’est pas la peine d’aller « encombrer » l’Europe qui traverse une crise économique. Ce qu’on gagne en occident, on peut le gagner ici, si on accepte de faire le même effort.

Quel conseil prodigueriez-vous à un jeune pour qu’il s’installe dans la filière au Sénégal ?

P. B. C. : Un jeune est venu un jour prendre conseil pensant que si j’avais réussi ici c’était parce que j’étais allé en Europe. Son projet était de partir, avec toutes ses économies, aux États-Unis ou en Europe. « Tu n’es pas sûr de ce qui t’attend là-bas. C’est comme si tu hypothéquais tes chances de réussite ici en partant », lui ai-je dit. 

Finalement il a investi la moitié de ses économies, comme je le lui ai conseillé, pour démarrer une activité dans la filière avicole. Aujourd’hui, il est aviculteur non loin de ma ferme et vit de ses ressources.

 

Papa Bakary Coly produit 24 000 poulets de chair par an.  Photo : Sakhorn38/Fotolia

Comment le Collège des jeunes du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux que vous présidez, aide-t-il concrètement les jeunes ?

P. B. C. : Nous venons de terminer un programme intitulé « Programme québécois de développement international ». L’objectif visait à sensibiliser les jeunes à la filière agricole par des visites sur le terrain. 

À la suite de ces visites, ils se sont inscrits auprès des différentes fédérations membres du CNCR. Entre 2014 et 2015, 100 jeunes ont été formés aux métiers agricoles sur 12 mois. Ils étaient répartis en quatre groupes. 

Chacun était chargé de conduire sa propre bande depuis la réception des poussins jusqu’à la commercialisation. 

Sur les 100 jeunes en formation, 28 se sont installés avec leur propre financement, 32 vont en recevoir un. Les 40 autres ont été redirigés vers d’autres institutions. Durant toute la formation, ils sont accompagnés par leur fédération et le collège ou la communauté rurale pour les aider à obtenir un financement.

En quoi est-ce un bien ?

P. B. C. : L’État a tout à gagner en s’adressant directement aux organisations du Comité national de concertation des jeunes ruraux parce qu’elles réunissent plus d’un million de jeunes. Les programmes doivent appuyer les jeunes qui s’engagent à rester ici et à vivre de l’agriculture. Réussir est possible. Le métier d’agriculteur est noble. Il doit être une passion et une activité à temps plein.

 

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