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La Covid-19, une opportunité pour les pays africains de changer de modèle agropastoral ?

L’exemple de la culture du coton associée aux céréales et légumineuses au Mali illustre la synergie positive entre productions vivrière et de rente. Photo : zeralein/Adobe Stock

Bien que l’Afrique ait été relativement épargnée, à terme, les conséquences de la pandémie seront inévitables. Au-delà des ravages sanitaires, c’est la sécurité alimentaire du continent qui pourrait être compromise. La contraction de la production agricole et les restrictions sanitaires mettent à mal une chaîne logistique déjà fragile. Rappelons que l’économie agroalimentaire représente un tiers du PIB africain et deux tiers des emplois. Si les feux sont braqués sur le virus, il ne faut pas oublier que la faim et la malnutrition ne font qu’encourager la propagation des épidémies. La crise alimentaire est latente.

Structurer et équilibrer

L’Afrique est vulnérable aux chocs exogènes : une refonte structurelle est nécessaire pour surmonter les défis du développement dont l’un des piliers doit être l’agriculture.

Le moment est venu de revenir sur les fondamentaux de l’agriculture et de l’élevage afin de changer de modèle.

Trop dépendante des importations de denrées alimentaires – 50 milliards $ – et des cours des marchés internationaux, l’Afrique a plus que jamais besoin de transformer son secteur agricole en profondeur pour pouvoir relever ses principaux défis : amélioration des rendements, mise en valeur des terres agricoles, accès aux intrants et à l’eau, création de valeur ajoutée dans les filières agroalimentaires et agro-industrielles, investissements significatifs dans les opérations post-récoltes, stockage, logistique, transformation et distribution.

Pour cela, les politiques agricoles doivent s’inscrire dans une stratégie de long terme soutenue par les États en dehors de toute considération électorale. Une coordination accrue entre les secteurs public et privé est indispensable. Cela passe par une structuration interprofessionnelle des filières : États, société civile et organisations professionnelles. Il faut également chercher l’équilibre entre cultures vivrières et cultures de rente. L’exemple de la culture du coton associée aux céréales et légumineuses au Mali illustre cette synergie positive entre productions vivrière et de rente. Pour l’agriculture africaine, l’heure est donc venue aux choix stratégiques concertés qui faciliteront des partenariats sur des projets d’investissements entre les acteurs concernés.

Partenariat public-privé

Le mouvement coopératif français, avec l’ensemble de ses outils financiers, son expérience, ses bonnes pratiques et son expertise, est en mesure d’accompagner et d’optimiser ces choix.

Le groupe Géocoton dans la zone sahélienne est un exemple parmi d’autres. Cette société favorise le regroupement de petits producteurs pour contribuer à la structuration des chaînes de valeur et renforcer le lien producteur-transformateur. Des coopératives ont été créées pour structurer une filière intégrée de production agricole et d’élevage dans la région. Des accords de partenariat entre cette coalition, les groupements de producteurs locaux et leurs coopératives sont conclus et mis en œuvre pour les associer pleinement à la démarche. Cette stratégie combine développement économique et social, grâce à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, au service de la stabilité de la région.

Seule une approche intégrée, combinant action publique et investissement privé, permettra de confirmer les perspectives positives de l’agriculture africaine. Il est temps de réinventer un partenariat public-privé durable et équitable pour renforcer les organisations paysannes et structurer plus efficacement les chaînes de valeur en sécurisant davantage les débouchés. Condition sine qua non pour que l’Afrique puisse bénéficier de son potentiel agricole en matière de croissance, d’emplois et de développement durable.

Gageons que ce coup de semonce de la crise de la Covid-19 fera prendre conscience aux dirigeants d’Afrique subsaharienne de l’urgence de politiques agricoles concertées capables de favoriser la mobilisation des acteurs privés au service de la sécurité alimentaire.

Par

• Patrick Sevaistre, membre du bureau de la Commission Afrique des conseillers du commerce extérieur de la France et président de la Commission « Institutions Européennes » du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique)

• Jean-Marc Brault de Bournonville, président d’honneur de la Commission Océan indien des conseillers du commerce extérieur de la France

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