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Pascal Tchiwanou, coordonnateur de promotion de l’entreprenariat agricole au Bénin

«  Mettre les jeunes au travail  »

Publié le 10/04/2017 - 16:42
Les zones rurales sont transformées en pôles de développement économiques, comme ici à Kétou. Photo : G. C. Roko

Au Bénin, où le chômage des jeunes et l’exode rural sont problématiques, Pascal Tchwanou et ses équipes ont initié un ambitieux projet d’entreprenariat agricole. Objectif : transformer les jeunes désœuvrés en créateurs d’emplois et les zones rurales en pôles de développement.

 

En quoi consiste le projet de promotion de l’entreprenariat agricole (PPEA) ?

Pascal Tchiwanou. Photo : G. C. Roko
Pascal Tchiwanou : Ce PPEA pour la transformation socio-économique des zones rurales au Bénin est une initiative du gouvernement, soutenue par la représentation du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Initié en 2011, pour une durée de cinq ans, il vise la promotion de l’auto-emploi des jeunes à travers l’entreprenariat agricole. Ce projet, dont la phase pratique a démarré en 2012, a une stratégie opérationnelle en trois volets : l’aménagement des centres de promotion agricoles, la formation et l’accompagnement des jeunes à l’élaboration de leur plan d’affaires et à leur installation.

Le chômage, de nos jours est assimilable à une bombe, prête à exploser à tout moment. En conséquence, si nous ne nous occupons pas dès à présent de la jeunesse, si nous ne lui trouvons pas de travail, alors, nous sommes en insécurité. Autrement dit, si les jeunes restent au chômage dans la durée, à un moment, ils feront tout pour survivre, et vous comprenez bien ce que je veux dire…

Nous avons donc tout intérêt à mettre les jeunes au travail, à leur trouver des emplois décents. Nous ne devons plus voir l’agriculture comme un sous-métier ou une occupation peu ou pas valorisante. Le deuxième objectif est de créer de meilleures conditions d’existence dans les milieux ruraux afin d’éviter que ces bras valides désertent les villages pour les villes. Enfin, le troisième objectif consiste à faire de l’entreprenariat agricole un outil d’accélération des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ou des Objectifs du développement durable (ODD).

Quels sont les acteurs impliqués dans ce projet ?

P. T. : Trois acteurs principaux sont directement concernés par le projet : le gouvernement, à travers le ministère du Plan et du Développement, assure la gestion quotidienne du projet via la direction nationale du projet ; le PNUD, joue le rôle d’assurance qualité du projet et apporte son expertise technique et son appui financier ; enfin, le Centre d’excellence régional Songhaï est le partenaire technique du projet. Ce centre est d’autant plus important que c’est son modèle de formation qui est retenu et que nous transmettons aux jeunes retenus pour la formation. En plus des acteurs essentiels précités, il y a d’autres partenaires stratégiques, comme les ministères de l’Agriculture, de l’Enseignement technique et secondaire, de l’Emploi, de la Jeunesse…

Comment s’opère le recrutement des jeunes ?

P. T. : Au début du processus, nous mettons en place un comité de recrutement Il est constitué essentiellement des représentants du PNUD, du Centre Songhaï et du gouvernement à travers les ministères intéressés par la question. Ceci, pour répondre aux exigences de transparence. Dans le même temps, nous lançons un avis d’appel à candidature sur toute l’étendue du territoire, via les préfectures, les mairies, les business promotion center (BPC), les agences nationales pour l’emploi (ANPE)… Entre autres critères de sélection, le postulant doit avoir la nationalité béninoise, être âgé de 18 à 35 ans, avoir une passion pour la vie en milieu rural. Sont privilégiés, les candidats disposant des aptitudes en production agricole et d’un titre de propriété sur une parcelle ou un domaine à usage agricole. Le comité procède à une présélection sur dossier, puis à une sélection à travers des interviews. En général, les aspirants ne disposent pas d’un titre de propriété sur une parcelle. Dans ces conditions, nous sommes souvent amenés à solliciter l’indulgence des maires des communes rurales pour satisfaire leur attente.

Qu’en est-il de la formation ?

P. T. : La formation se déroule au Centre Songhaï. Elle peut durer trois à six mois, en fonction du « background » de l’apprenant. Les formateurs sont des agents dudit centre. C’est cette institution qui dispose des normes et de l’expertise en la matière. D’entrée de jeu, les jeunes reçoivent une instruction globale sur l’agriculture. Cette phase d’initiation dure quelques semaines. La suite de la formation est essentiellement pratique. Le choix de la spécialité est laissé à la discrétion de l’apprenant : production animale ou végétale, transformation agroalimentaire, création et gestion d’une entreprise agricole, mécanisation agricole, etc.

À la fin de la formation, nous aidons les jeunes à élaborer leur business plan. Ceci leur permet de faire des requêtes de fonds auprès des institutions de microfinance, afin de pourvoir à leur projet. En attendant l’accord d’une institution financière, le gouvernement met à leur disposition des fonds levier de 500 000 F Cfa par personne. Ceci leur permet d’engager de petites initiatives.

Mais, le plus important n’est pas que de former les jeunes. Une fois formés, il faut les accompagner à l’installation. C’est en aidant les jeunes à s’installer qu’on les amène vraiment à être autonomes, indépendants, de vrais entrepreneurs.

Quelles sont les difficultés liées au PPEA ?

P. T. : La seule et unique difficulté du PPEA est d’ordre financier. Au lancement du projet en 2011, il était prévu un budget de 23 milliards de F CFA, répartis entre le gouvernement (19 milliards), le PNUD (1 158 millions) et quelques autres acteurs. À ce jour, les efforts de mobilisation de fonds du gouvernement béninois sont estimés à environ 4 milliards de F Cfa, ceux du PNUD à exactement 238 millions de F Cfa.

À voir ces montants, vous convenez que nous ne pouvons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés au début. Par exemple, sur les huit centres de formation à construire à travers le pays, nous n’en avons réalisé que deux pour l’instant. Le troisième, celui de Daringa dans la commune de Djougou au Nord du pays, n’est pas encore fonctionnel. Par ailleurs, il était convenu qu’à terme, qu’au moins 2 000 jeunes soient formés. À ce jour, nous n’en avons formé que 787, dont 128 femmes.

La deuxième difficulté, est que, une fois la formation terminée, il faut accompagner les jeunes à l’installation. Mais, vu qu’ils ne sont pas de grands entrepreneurs, les institutions de microfinances hésitent à leur allouer des crédits. Ces institutions financières considèrent l’agriculture comme un métier à risque. Il s’agit là encore d’une difficulté relative aux finances.

Quels sont, quand même, les motifs de satisfaction de ce projet ?

P. T. : Aujourd’hui, nous sommes fiers de voir des jeunes installés à leur propre compte, grâce à leur entreprise agricole. Ces jeunes ne sont plus prêts à grossir le lot de fonctionnaires dans l’administration publique. Mieux, ils vont jusqu’à recruter de la main-d’œuvre locale, occasionnels comme permanents, contribuant ainsi à régler le problème de chômage et de l’exode rural. La deuxième note de satisfaction est que ces jeunes contribuent, au niveau local, à résoudre la question de l’insécurité alimentaire. Partout où ils sont installés, on constate un accroissement de la production de produits vivriers, maraîchers, volailles, produits halieutiques, plants forestiers, fruitiers, ornementaux… Bref, ils satisfont les populations. 

Quelles sont vos perspectives ?

P. T. : Nos perspectives sont bonnes. Comme dans tout projet, le PPEA a connu ses insuffisances, ses erreurs. Mais, depuis peu, le ministère du plan et du développement a entrepris d’élaborer un nouveau projet du même ordre, toujours en partenariat avec le PNUD. Il démarrera l’an prochain. Dans ce cadre, les limites recensées lors de l’exécution du précédent projet seront prises en compte. Ce nouveau projet, dénommé « Projet de développement de l’agrobusiness au Bénin », a deux nouvelles composantes : l’accès au financement et l’accès au marché. Une fois les jeunes formés et qu’ils ont accès au financement et au marché, il ne devrait plus y avoir de problèmes. Le nouveau gouvernement béninois formule d’ailleurs de grandes ambitions pour l’agriculture et l’avenir de la jeunesse. Gageons qu’il saura trouver les moyens nécessaires pour les accomplir.  

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