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Epizootie

La grippe aviaire coupe les ailes du plus gros producteur d’œufs du Burkina Faso

Publié le 05/04/2022 - 16:13
Des milliers de poulets atteints de la grippe aviaire ont dû être brûlés. © Faïshal Ouédraogo

Le 17 décembre dernier, la grippe aviaire est venue à bout de la société Moablaou SA dirigée par Abou Simbel Ouattara, 64 ans, à Namdé au centre du Burkina Faso. Bilan : plus de 200000 animaux abattus et 3,2 milliards de francs CFA de pertes.

 

Le 17 décembre 2021 restera qualifié de vendredi noir dans l’histoire de la société Moablaou SA, située à Namdé à 4 km du département de Koubri, au centre du Burkina Faso. Ce jour-là, le personnel technique de la ferme a constaté une mortalité anormale des poulets sur toute l’étendue des 12 hectares de la ferme. Contrairement à ce qu’ils avaient l’habitude de voir, cette fois-ci, le problème était bien plus sérieux car la mortalité était partout. Alors, les ouvriers agricoles ont décidé de prendre contact avec un vétérinaire pour examiner la situation. Après prélèvements, il s’est avéré qu’il s’agissait de la grippe aviaire.

Abou Simbel Ouattara, PDG et fondateur de la société Moablaou SA. © Faïshal Ouédraogo

« Depuis ce jour, nous avons cessé les ventes, regrette Abou Simbel Ouattara, PDG de la société Moablaou SA. L’entreprise ne pouvait plus vendre un œuf ni un poulet. Tout était arrêté et la mortalité s’est accélérée. » En l’espace de trois semaines, la grippe aviaire a vidé toute la ferme. « Il n’y avait plus aucun poulet alors que nous en avions 157000 en production et 47000 poulettes », poursuit le patron de la ferme.

Un tel drame engendre évidemment d’énormes pertes pour l’entreprise. En se référant à sa comptabilité, Abou Simbel Ouattara estime la perte sèche à « plus de 800 millions de FCFA ». Cette perte a été évaluée sur la base des poulets perdus à cause de la maladie. Quant à la perte de production, elle est estimée à « plus de 3,2 milliards de FCFA ». Cette perte correspond à plus d’une année entière des revenus provenant de la production et de la vente d’œufs. Ce sont ces revenus qui paient les salaires, les impôts et les matières premières, et aussi qui génèrent des bénéfices. Au-delà de la perte économique, l’entreprise a enregistré également une perte sociale et un temps précieux gaspillé.

 

Une mortalité impressionnante dans un poulailler. © Faïshal Ouédraogo

 

1 200 personnes au chômage

La fermeture a entraîné des pertes d’emploi. L’entreprise collabore avec 1200 revendeurs dont 800 femmes. Et chaque revendeur travaille avec quatre ou cinq personnes qui l’assistent dans la distribution. Désormais au chômage, toutes ces personnes avaient pour source principale de revenu « la vente des œufs », confie le patron de l’entreprise. Le devenir de plusieurs personnes est en danger.

Rosalie Karama, revendeuse d’œufs depuis 2006 chez Moablaou, a dû trouver des œufs dans une autre ferme. © Faïshal Ouédraogo

Rosalie Karama collabore avec Moablaou depuis seize ans. Grâce à la vente des œufs, elle arrivait à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, notamment pour payer la scolarité de ses enfants. Depuis la fermeture de la société, tout a été freiné. Pour garder sa clientèle, Rosalie décide de prendre des œufs chez un autre fournisseur pour les revendre, mais les difficultés sont énormes. « À Moablaou, je prenais au moins 1000 plaquettes d’œufs chaque semaine, dit-elle. Mais maintenant, j'arrive à peine à avoir 100 plaquettes parce qu’il n’y a pas assez d’œufs chez le fournisseur. » Résultat, Rosalie « n’arrive pas à satisfaire la demande et je perds des clients ». L’autre difficulté se trouve au niveau du prix car à Moablaou SA, les œufs étaient calibrés, plus gros et vendus à 2200 FCFA la plaquette. Maintenant, « j'ai à la fois de gros et de petits œufs, mélangés et vendus à 2300 et parfois même à 2400 FCFA », regrette Rosalie. Aujourd’hui, toujours dans l’attente d’une autorisation des services publics de l’État, la société espère rouvrir bientôt pour compenser ses pertes.

Avancer malgré les difficultés

Le drame que Moablaou a subi n’est pas une première dans son histoire. Par le passé, l’entreprise leader de la production d’œufs au Burkina Faso a subi de grosses pertes liées à divers facteurs. Toutes ces épreuves ont forgé sa carapace. « Durant ces 35 années d’existence, si nous devions citer tous les aléas et les catastrophes que nous avons connus, nous n’en serions pas là, relativise le PDG. Dans une telle activité, nous savons que des difficultés peuvent surgir à tout moment. »

La société a en effet connu une crise en mars 2015, déjà due à la grippe aviaire. 120000 pondeuses avaient été ravagées. Deux années plus tard, Moablaou SA s’est reconstituée en passant à plus de 200000 pondeuses. Une autre fois, l’entreprise avait perdu 10% de ses pondeuses suite à une coupure d’électricité. « Cela avait occasionné une perte de 6000 pondeuses dans un bâtiment qui en contenait 50000 », ajoute le patron de la société. Mais, la plus grande épreuve a été « la perte de deux employés » qui venaient travailler les nuits à la ferme. Pourtant Abou Simbel Ouattara reste optimiste : « Chaque fois que l’entreprise est tombée, elle a su se relever car notre objectif n’est pas de nous enrichir, mais d’être utile à la communauté. »

 

Abou Simbel Ouattara : « Tout a commencé par un voyage en Belgique »
Créée en juin 1987 avec seulement 500 poulettes de trois mois, la société Moablaou SA fait partie des entreprises locales qui ont révolutionné le secteur avicole au Burkina Faso. Avec 35 années d’existence sur le marché, Moablaou s’est positionnée comme une entreprise spécialisée dans la production industrielle d’œufs de consommation. L’entreprise est née d’une passion : directeur régional de l’Office national des céréales à Koupela dans la région du Centre-Est, Abou Simbel Ouattara a démissionné de son poste pour se lancer dans l’aviculture moderne. Il en a fait son métier à temps plein. Après avoir côtoyé des acteurs de l’agriculture et de l’aviculture lors d’un voyage, il était plus que convaincu d’avoir découvert ce qu’il aime. « Je suis allé en voyage dans le cadre d’une formation en sécurité alimentaire à l’Université agronomique Jean de Belgique. J’en suis revenu révolté et passionné par ce que j’ai vu. Révolté par l'organisation, la rigueur et le niveau de développement qu’il y avait dans ce pays par rapport au nôtre. À cela s'ajoutent la passion et l'amour qu'ils mettent pour exercer le travail de la terre. C’est ainsi qu’à mon retour, j’ai décidé de me lancer et de suivre ma passion à 100% », explique-t-il.

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