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Mohammed Sadiki

« Notre approche est de partager ce que nous savons le mieux faire et de capitaliser sur les expériences des pays partenaires »

Publié le 25/05/2023 - 15:55
Mohammed Sadiki, ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts

Ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki répond aux questions d’Afrique Agriculture dans une interview exclusive lors de la 15e édition du Siam.

Vous démarrez votre mandat en octobre 2021, alors que le Maroc et le reste du monde sortent à peine de la pandémie du Covid-19. Le tout dans un contexte africain fragilisé par le resserrement des approvisionnements en denrées alimentaires de base. Comment va le Maroc ?

Le Maroc, à l’instar des pays africains, a été affecté par cette série de chocs. Toutefois, l’ampleur de cette dernière a été amortie grâce à la politique agricole marocaine, d’une part, et à l’anticipation des décisions prises par le gouvernement suite aux orientations royales, d’autre part.

Ainsi, le secteur agricole marocain a évolué au rythme de deux stratégies innovantes : le Plan Maroc Vert (PMV, 2008-2020), et la stratégie "Génération Green" (GG), lancée pour les dix prochaines années (2021-2030). Ces deux stratégies qui visent, entre autres, la transformation de l’agriculture nationale vers une agriculture productive, résiliente, éco-efficiente et de qualité, ont permis jusqu’à maintenant la garantie d’un bon niveau d’autosuffisance sur plusieurs produits alimentaires (parmi les plus élevés de la région MENA), notamment : les fruits et légumes (100%), les produits animaux (lait et viande presque 100%), les céréales (53%) et le sucre (44%). Aussi, le Maroc a atteint, deux ans avant la date prévue (fin 2015), le premier Objectif du Millénaire de développement fixé par l’ONU, à savoir la réduction de l'extrême pauvreté et de la faim.

Generation Green

 

Votre prise de fonction marque aussi la fin d’une ère, celle du Plan Maroc Vert, dont vous avez supervisé le déploiement, lorsque vous êtes devenu secrétaire général du Ministère de l’agriculture en octobre 2013. Les résultats ont-ils été à la hauteur des attentes des acteurs de la filière?

La mise en œuvre du Plan Maroc Vert (PMV) a nécessité une refonte du cadre sectoriel et une amélioration des facteurs transverses, portant notamment sur : la mobilisation du foncier agricole, l’amélioration de la maîtrise et de la gestion de l’eau d’irrigation, la modernisation du marché intérieur et le développement des exportations, etc.

À cet égard, grâce aux mesures entreprises dans le cadre du PMV et à la mobilisation active de tous les acteurs, le secteur agricole a enregistré de véritables succès, traduits notamment par : une meilleure contribution à la croissance économique et à la modernisation de l’agriculture grâce à l’atteinte d’un taux de croissance annuel moyen de l’ordre +4,72% au cours de la période 2008-2020. Le PMV a pu également mobiliser un investissement global de 132,4 milliards de DH durant la période 2008-2020 dont 60% d’investissement privé et 40% d’investissement public.

Il est à signaler également que le PMV a permis de renforcer l’inclusion sociale des petits agriculteurs et les conditions de vie des agriculteurs.

Parlons à présent de Génération Green, ce nouveau plan lancé par le Roi Mohammed VI, en février 2020. On perçoit dans le discours royal une attention particulière pour le volet humain “rendre justice aux petits agriculteurs”...

Conformément aux Hautes Orientations royales, Génération Green 2020-2030 repose sur deux fondements. À travers son premier fondement, qui donne la priorité à l’élément humain, elle ambitionne de créer une nouvelle classe moyenne agricole, de nouvelles activités génératrices d’emplois et de revenus, notamment en faveur des jeunes, et de renforcer la dimension sociale en milieu rural.

Son deuxième fondement vise une agriculture durable, en étant résiliente, éco-efficiente. Par ailleurs, au niveau de ce premier fondement, une attention particulière a donc été accordée aux petits agriculteurs, aux jeunes ruraux et aux femmes rurales au niveau des zones vulnérables. L’appui accordé à l’agriculture solidaire se base sur un investissement principalement public, pour améliorer les revenus d’une large proportion de la population rurale.

Quid de l’autonomie alimentaire, surtout avec le conflit russo-ukrainien, qui a fait flamber le prix des intrants pour l’agriculture et l’alimentation animale, et par ricochet celui, entre autres, de la volaille et des œufs, qui étaient pourtant les sources de protéines au tarif le plus abordable pour le consommateur marocain ?

Effectivement, dans un contexte de polycrise notamment climatique et géopolitique, les prix de certains produits alimentaires au Maroc ont connu des hausses par rapport à leur niveau habituel. Malgré la baisse observée des prix des matières premières depuis le deuxième semestre de 2022, la situation des prix mondiaux a eu des répercussions sur les chaînes mondiales d’approvisionnement et sur les prix des différents produits au Maroc. Cela a engendré un déséquilibre au niveau de certaines filières agricoles, notamment la filière maraîchère et les filières animales, dont l’aviculture. Le niveau des prix des produits avicoles pratiqué sur le marché national demeure tributaire des prix mondiaux des matières premières, notamment le maïs et le soja, entrant dans la formulation des aliments composés des volailles.

Face à cette situation, le gouvernement a pris un arsenal de mesures urgentes et d'autres mesures stratégiques pour atténuer l’impact des cours mondiaux et garantir la stabilité des prix des produits stratégiques notamment le gasoil, les céréales et l’électricité. Ces mesures ont porté notamment sur les dispositions fiscales en supprimant la TVA sur les intrants agricoles et l’octroi des aides aux éleveurs à travers la distribution des aliments composés à des prix subventionnés.

Vue de l'assemblée de la 3e conférence ministérielle AAA.

Il y a aussi le volet coopération Sud-Sud, où le Maroc entend partager son expertise avec le reste du continent africain. Vous avez d’ailleurs fait le déplacement en début d’année pour le forum Nourrir l’Afrique, qui s’est tenu à Dakar en janvier.

Au Royaume du Maroc, nous croyons fortement en le pouvoir d’une coopération basée sur le partage des expériences entre pays partenaires et la solidarité devant les crises humanitaires, climatiques ou sanitaires.

Notre expérience de collaboration avec les pays du Sud et du Nord d’ailleurs, nous a amenés à développer une vision stratégique d’une coopération internationale, qui s’articule autour de projets innovants prenant en compte les demandes des agriculteurs et agricultrices, ainsi que l’ensemble des acteurs des systèmes alimentaires dans notre pays, et au niveau des pays partenaires dans le reste de l’Afrique, les Caraïbes et l’Amérique Latine.

Nous sommes honorés aujourd’hui de compter des projets concrets de coopération avec plus d’une trentaine de pays d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique Latine. Notre approche est de partager ce que nous savons le mieux faire et de capitaliser sur les expériences des pays partenaires, de transmettre notre savoir-faire, notamment en matière d’irrigation, de formation, de recherche agricole, d’établissement des cartes de fertilité et de développement des chaînes de valeurs animales et végétales…

Le ministre Adjoumani de Côte-d'Ivoire et le ministre Sadiki du Maroc s'entretiennent en marge du SIAM 2023.

 

L’édition 2023 du Siam de Meknès a accueilli une vingtaine de délégations africaines. Qu'y a-t-il eu au menu ?

La tenue du Siam [Salon international de l’agriculture au Maroc, NDLR], à travers sa dimension internationale, a constitué une aubaine inégalée pour rehausser les échanges entre les pays présents. Cette 15e édition a pu réunir 28 délégations étrangères, notamment africaines, de très haut niveau.

Le Siam a offert à ces invités de marque un espace d’échange de partage d’expérience et de débat autour des thématiques actuelles telles que la souveraineté alimentaire, l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, à travers un riche programme de rencontres politiques et institutionnelles, de conférences scientifiques, de réunions bilatérales et multilatérales, ainsi que des visites de terrain thématiques qui ont répondu aux centres d’intérêt exprimés par chaque délégation.

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