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Afrique

La voie prometteuse des aides directes aux agriculteurs

Publié le 17/05/2021 - 15:18
Les aides directes pourraient être liées à l’adoption  de pratiques agroécologiques, comme cette fumure  dans une plantation de cacao biologique à M’Brimbo,  en Côte d’Ivoire. Photo : Antoine Hervé

Grâce aux outils numériques et à la téléphonie mobile, le versement d’aides directes aux agriculteurs qui n’ont pas de compte en banque semble être une voie prometteuse. Ces aides inciteraient les agriculteurs africains à investir, à réduire la pauvreté et à améliorer la sécurité alimentaire. Explications.

Le dixième objectif de développement durable des Nations unies prévoit de « réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre ». Cette ambition est loin d’être réalisée en Afrique vu l’écart qui prévaut entre revenus agricoles et non agricoles. On manque de données précises sur ce point, mais nos calculs montrent que dans les pays au sud du Sahara, la productivité du travail en agriculture, mesurée par la valeur ajoutée brute par actif, ne représente en moyenne que 17 % de la productivité du travail dans l’industrie et les services. L’Afrique subsaharienne cumule ainsi la plus faible valeur ajoutée par actif agricole (1 300 dollars 2010 sur la période 2016-2018, comparé à 3 500 dollars en Chine et 76 500 dollars dans l’Union européenne) et une très forte inégalité de revenus entre villes et campagnes.
Ces chiffres doivent bien sûr être considérés avec précaution. En effet, une grande partie de la population employée dans l’agriculture n’est pas occupée à temps plein, ce qui tend à minorer, sans doute sensiblement, la productivité réelle par actif agricole. De plus, la productivité n’est pas le revenu. Le revenu de l’agriculteur ne dépend pas seulement de la valeur ajoutée agricole : il s’y ajoute, en théorie, les rémunérations tirées d’activités extérieures à la ferme, les prestations sociales (santé, retraite…) et les aides éventuellement versées par l’État au titre de la politique agricole. Malheureusement, ces sources de revenu complémentaires pèsent peu en Afrique. Dans beaucoup de pays de la région, les agriculteurs ne peuvent pas être pluriactifs, faute d’emplois dans les zones rurales. Surtout, ils reçoivent très peu de prestations sociales et quasiment pas d’aides directes au titre du soutien à l’agriculture.

Inciter les agriculteurs à investir

On touche ainsi du doigt une différence essentielle entre la situation économique des agriculteurs dans les pays les moins avancés et les pays à revenu élevé, au-delà des écarts de productivité du travail dus aux moindres niveaux de rendements et de surface disponible par actif. En France, le montant des paiements directs et autres aides à l’agriculture équivaut en moyenne à quelque 19 500 dollars par actif agricole, soit près de la moitié de l’écart constaté entre les productivités du travail agricole et non agricole. Historiquement, c’est à ce prix qu’en Europe et aux États-Unis, les revenus agricoles se sont rapprochés des revenus non agricoles.
Le versement d’aides directes aux agriculteurs africains, rarement évoqué, nous semble une option prometteuse. Comme le montre l’exemple indien, les outils numériques et la téléphonie mobile rendent faisable ce qui, il y a peu, était encore considéré comme une impossibilité pratique : transférer de l’argent à des millions de personnes dont la majorité ne possède pas de compte en banque. Ces aides permettraient de réduire la pauvreté et de diminuer les inégalités de revenu, tout en incitant les agriculteurs à investir pour assurer la sécurité alimentaire. Elles pourraient en outre être liées à l’adoption de pratiques agroécologiques bénéfiques à la santé humaine, à la biodiversité et au climat.
L’obstacle budgétaire n’est pas insurmontable : les fonds consacrés aux subventions aux intrants offrent une marge de manœuvre. Celles-ci absorbent la majeure partie des concours publics à l’agriculture en Afrique subsaharienne, mais elles sont très critiquées notamment pour leur inefficacité. Alors, n’est-il pas temps de sortir des sentiers battus ?

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